Décidément, il ne se passe pas une, deux ou trois semaines sans que le président de la FIFA, Gianni Infantino, ne se répande dans les médias internationaux, souvent très prestigieux, pour revenir sur ce qui semble être devenue une idée fixe: faire passer le nombre d’équipes qualifiées en Coupe du monde de 32 à 48. Le projet est officiellement retenu pour l’édition 2026 prévue en Amérique ( Etats-Unis, Canada, Mexique), mais voilà que le dirigeant suisse l’évoque, en tout cas il dit le souhaiter, pour le Mondial 2022 qu’organisera le Qatar.Il en parlé longuement mercredi dans un long entretien accordé u quotidien britannique The Guardian.
Mais cette fois il est allé plus loin dans sa réflexion en affirmant que des matches pourraient être délocalisés dans des pays voisins : « Le Qatar compte huit stades et se prépare pour la Coupe du monde à 32 équipes, commence par affirmer le bioss du football mondial, et bien entendu, vous n’avez pas besoin d’être Einstein pour savoir qu’il pourrait être difficile d’organiser un tournoi à 48 équipes dans huit stades d’un pays. Donc vous devez probablement faire disputer un certain nombre de matches en dehors de ce pays. Cela entraîne bien sûr des complications et des difficultés supplémentaires, qui seront examinées ».
Cette sortie n’est pas innocente. S’il s’occupe du développement du football sur la planète, l’Italo-Suisse n’en reste pas moins un » politique » madré. Il est plus que tout autre au fait de la situation diplomatique tendue dans la région. Le Qatar est mis sous pression depuis dix-huit mois par des voisins qui ont décrété de façon unilatérale son boycottage politique, économique et diplomatique à tout le moins agressif. Même si, in fine,il n’a jamais réussi à faire plier Doha.
Alors, en insistant de la sorte, Gianni Infantino cherche-t-il à se transformer en une sorte de passeur de paix, faire du football une activité au service de la diplomatie internationale et montrer que ce sport universel peut être aussi un outil fantastique au service de l’apaisement des tensions ?
La suite de l’interview va dans ce sens: « Le football est peut-être un moyen de créer des ponts. Nous avons également constaté lors de la candidature pour 2026 que le droit d’organiser la Coupe du monde a été attribué à trois pays [les États-Unis, le Canada et le Mexique] qui, à mon avis, n’ont pas non plus les meilleures relations politiques ou diplomatiques. Mais le football fait des miracles, comme nous le savons. De toute évidence, la relation avec les pays voisins du Qatar est un facteur qui complique la situation; d’autre part, même s’il existe des relations diplomatiques compliquées ou difficiles, en ce qui concerne le football, les gens se parlent ».
Puis, Infantino arrive au fait essentiel de sa réflexion « Nous devons tenir compte de la situation géopolitique, dans l’espoir que les choses évolueront, pas pour le football, mais pour le monde. Et si une discussion autour de la Coupe du Monde peut aider de quelque manière que ce soit à faire évoluer la situation dans cette région, en ce qui concerne l’Arabie saoudite, c’est peut-être un bel impact ».
L’exercice intellectuel de haut vol tenté par le successeur de Josep Blatter n’est pas innocent. On peut se permettre de deviner que les choses bougent effectivement lorsque l’interview délivre cette dernière phrase : » De toute évidence, la relation avec les pays voisins du Qatar est un facteur qui complique la situation; d’autre part, même s’il existe des relations diplomatiques compliquées ou difficiles, en ce qui concerne le football, les gens se parlent« .
Enin, Gianni Infantino précise que la FIFA n’exerce pas de pression sur le Qatar pour l’amener vers cette direction mais qu’il serait heureux de voir cette idée aller au bout : « Il y a une discussion ouverte et franche. Si c’est possible, faisable, je suis très heureux. Sinon [et le tournoi reste à 32 équipes], je suis très heureux en tout cas. Mais je n’aurais pas été heureux si nous n’avions pas essayé. Si cela aide le football, génial. Si, en tant qu’effet secondaire, il a des effets plus positifs dans la région, c’est encore mieux, car cette région est évidemment très importante pour le monde entier, surtout dans le climat actuel ».
Mais Gianni Infantino sait parfaitement que l’institution faîtière du football mondial ne peut avoir prise sur le Qatar qui a le droit pour lui en s’étant engagé contractuellement pour un Mondial à 32 équipes pour lequel il a déjà dépensé dix milliards de dollars rien que pour la construction de huit stades. Sans compter qu’après avoir résisté à la pression autrement plus contraignante de ses puissants voisins, ce n’est pas pour se plier au desirata de la FIFA. Surtout à quatre ans de l’événement. D’ailleurs, le Guardian a tenu a précisé qu’après avoir essayé d’en savoir plus sur la question en appelant à Doha Hassan Thawadi, l’homme fort qui gère au quotidien l’immense chantier de l’organisation du Mondial, il a eu une réponse des plus diplomatiques « Les préparatifs pour un format de 32 équipes, comprenant huit stades, conforme aux normes de la FIFA et conforme à la FIFA » progressaient très bien ». En clair, il faut lire que si changement de la stratégie il doit y avoir, il serait le fait de l’Etat du Qatar et de son chef suprême l’Emir Sheikh Tamim bin Hamad Al –Thani. Dossier à suivre.
@Fayçal CHEHAT