2022mag.com est allé à Montpellier à la rencontre de Ramy Bensebaini, un des plus grands espoirs du football algérien. Pendant près d’une demie heure, le joueur formé à l’académie du Paradou AC se livre en toute simplicité. Au menu : son apprentissage du haut niveau, son avenir, les U23, Ryad Mahrez, le départ de l’ex-sélectionneur national Christian Gourcuff… Hasard du calendrier, c’est le jour de ses 21 printemps que nous vous proposons de découvrir ce talent en devenir.
Le rendez vous était programmé au domaine de Gramont, après l’entrainement, au lendemain de la défaite du Montpellier Héraut Sport Club (MHSC) sur sa pelouse face à Lyon (0-2). Pendant que les féminines du club profitent d’une belle matinée ensoleillée pour se jauger sur le terrain synthétique jouxtant le parking, les garçons – titulaires de la veille, remplaçants ou non inscrits sur la feuille de match – revivent en video, dans un silence de cathédrale, les quatre-vingt dix minutes de leur contreperformance face aux Lyonnais. Le traditionnel décrassage d’après-match a été remplacé inopinément par Frédéric Hantz, le coach montpelliérain, pour mettre les joueurs devant leurs responsabilités (ndlr, le MSHC pointe à la seizième place au classement de Ligue 1à 4 points du premier relégable). Après une bonne heure d’attente à voir le centre de formation se vider peu à peu de ses pensionnaires, Ramy Bensebaini vient à notre rencontre. Notre hôte, affable et détendu, a décidé de repousser à plus tard les soins destinés à soulager son genou endolori pour donner la priorité à son engagement médiatique.
Vous n’êtes pas apparu dans le groupe lors du dernier match de championnat face à Lyon. Etait-ce un choix tactique de l’entraineur?
Ramy Bensebaini : Non.J’ai ressenti une douleur au genou suite à un coup reçu à l’entrainement. Je marche normalement. Je peux aussi courir mais cela me gêne un peu. Le coach a décidé de ne pas prendre de risque. C’est la raison pour laquelle je n‘étais pas sur la feuille de match face à Lyon, et pas du déplacement avec la réserve.
Vous êtes au club depuis bientôt une année, comment jugez vous votre saison jusqu’à présent?
Pour le moment ça va. J’ai joué environ vingt-deux matches. Je me suis bien senti. Avec le départ de Roland Courbis et l’arrivée de Frédéric Hantz (ndlr, le nouvel entraineur est en poste depuis janvier), c’est un peu plus compliqué pour moi. Je ne joue plus trop. J’attends la fin de saison pour faire le bilan.
Qu’apprenez vous de cette seconde expérience professionnelle en Europe après un premier passage par la Belgique?
Beaucoup de choses. J’étais auparavant en Belgique. En France, ce n’est pas pareil. J’ai progressé dans tous les domaines, techniquement et physiquement. C’est plus costaud ici.
Et par rapport à l’Algérie?
En Algérie, je n’ai joué qu’en troisième division. Je ne connais pas la D1.
Avez vous été surpris par le départ, cet hiver, de Rolland Courbis de son poste d’entraineur de Montpellier?
Oui. Pendant la trêve, nous sommes rentrés chez nous. En revenant, on s’est aperçus qu’il n’y avait plus le coach. Il est parti. On respecte son choix.
Quel rapport entreteniez vous avec lui?
C’est lui qui m’a fait venir. Je m’entendais bien avec lui. Il était gentil. Il me faisait confiance.Il m’a permis de jouer pas mal de matchs.
Il vous a fait évoluer à différents postes. Comment vous êtes vous senti sur le terrain?
J’étais à l’aise. A la base, je suis défenseur central. Sous ses ordres, j’ai occupé le poste qui est le mien ou celui d’arrière gauche ou de numéro 6.
Comment vivez vous le faible temps de jeu qui est le vôtre depuis l’arrivée de Frédéric Hantz?
C’est un peu compliqué pour moi car je ne joue pas trop. Je ne m’inquiète pas pour autant. En fin de saison, je verrais si je reste à Montpellier ou si je pars.
Lors de sa prise de fonction le nouveau coach s’est entretenu individuellement avec tous les joueurs. Quel a été son discours vis à vis de vous?
Il m’a dit que j’étais un bon joueur, un jeune qui devait travailler et progresser. Que j’aurais peut-être ma chance.
Par rapport à Rolland Courbis, il semble moins faire confiance aux jeunes?
Il fait ses choix. Je les respecte. Sur les derniers matchs, la défense était bien en place. Je ne vois donc pas l’intérêt de changer l’équipe. Qu’il me fasse confiance ou pas, je continue de travailler pour m’améliorer.
Le Président du Paradou Zetchi avait annoncé que votre avenir serait tranché au mois d’avril. Avez vous des nouvelles sur ce dossier?
Pas du tout. A l’heure actuelle, je ne sais pas si je reste ou si je quitte le club. Personnellement, j’aimerais rester à Montpellier. J’aime le club, les coéquipiers, la ville. Je me sens bien ici.
Il semblerait qu’il réclame environ 2 millions d’euros pour le transfert…
Franchement, j’entends 2 millions d’euros ou 1,5 millions. Je ne sais pas. Je n’ai pas osé lui demander.
Avez vous des contacts avec d’autres clubs?
Pour le moment, j’ai un certain nombre de contacts. Je ne peux pas trop en parler.
Admirateur de Vidic et fan de Manchester United
En Europe?
Oui, en Europe. Dans des clubs de ligue 1, en France et en Espagne.
Quel est le championnat qui a votre préférence?
C’est l’Angleterre. Je suis fan depuis toujours de Manchester United.
D’un joueur en particulier?
Vidic
En Angleterre Ryad Mahrez est en train de crever l’écran. Que pensez vous de sa réussite actuelle?
C’est un très bon joueur. Ce qu’il fait à Leicester est admirable. Ce n’est pas facile d’être leaders en Premier League. Je lui souhaite de remporter ce championnat.
Vous impressionne-t-il depuis que vous le côtoyez en sélection?
Cela fait plaisir d’évoluer à ses cotés. Cela se sent qu’il a une grande confiance en lui. Il est agréable. Il a toujours le sourire.
Peut-on dire que c’est la star des Fennecs?
On a aussi Brahimi, Slimani, Bouddebouz, Ghezzal…la vraie star, c’est donc l’équipe. Il faut raisonner en termes de groupe.
Ryad est annoncé chez les grands d’Europe. Pensez vous qu’il a le niveau requis pour s’imposer dans ces équipes ?
J’espère qu’il rejoindra un grand club. Personnellement, j’aimerais bien qu’il signe à Arsenal. Je le vois parfaitement dans ce club (rires).
Q Vous êtes un pur produit du Paradou AC qui s’adapte bien au football européen. Conseilleriez vous aux jeunes de suivre votre exemple?
Pour les jeunes académiciens, je suis une référence. Je leur dis de travailler sérieusement et de ne rien lâcher. Je pense que j’ai bien fait de quitter l’Algérie pour tenter l’expérience en Europe. Je progresse. Si j’étais resté au pays, je n’aurais pas évolué aussi rapidement. Etre en Europe, c’est avoir une chance de jouer en équipe nationale.
Avez vous l’occasion d’en discuter avec eux?
Oui, tous les jours.
Ont-ils cette envie?
Tout à fait. Si je pouvais les aider, je le ferais avec plaisir.
Diriez vous que la formation dispensée par les frères Zetchi prépare bien à une carrière professionnel en Europe?
Absolument. C‘est une très bonne formation. Pour preuve, Il y a eu 3 joueurs qui ont signé au Paris Football Club. Je suis le quatrième à sortir. Il y en pas mal qui peuvent suivre mon exemple.
Avez vous touché deux mots à Laurent Nicollin (le Président Délégué) sur certains de vos camarades en U23 sortis de l’académie?
Oui. J’ai parlé de deux ou trois joueurs.
Il semblerait que le latéral droit Raouf Benguit soit dans le viseur du club.
Ils m’ont demandé mon avis sur lui car ils ont trouvé qu’il était bon. Je leur ai dit que c’était un joueur de qualité qui pouvait aussi évoluer au poste de numéro 6.
Il y a les Jeux Olympiques qui se profilent dans quelques mois à Rio. L’Algérie s’est brillamment qualifiée pour ce tournoi. Pensez vous y participer?
J’espère de tout mon coeur. J’aimerais vraiment être de la partie. Cela dépendra du club dans lequel je serais. Je ne sais pas s’ils me laisseront partir ou pas. Pour l’instant, je ne sais pas de quoi sera fait mon avenir. Partir ou rester, faire les JO ou pas?
Est-ce que cela ferait partie de la négociation du prochain contrat en club?
Je leur dirai que j’aimerais y participer. Je ne sais pas s’ils accepteront ou pas.
Les U23, que vous avez longtemps côtoyé, ont pris part à deux matchs amicaux en Corée du Sud. Ils se sont soldés par deux défaites (2-0 et 3-0). Est-ce inquiétant avant les JO?
On ne peut pas les juger sur deux matchs amicaux. Je rappelle que pendant la Can 2015 au Sénégal, on annonçait que l’Algérie allait prendre des raclées face à l’Egypte et contre le Nigeria. Au bout du compte, on atteint la finale. On ne perd que 2-1 tout en ratant un pénalty.
Départ de Gourcuff: j’ai été surpris, mais moins que les autres
On a l’impression que l’Algérie n’est jamais aussi bonne que quand on ne l’attend pas.
C’est bien alors qu’on ait perdu ces deux matchs amicaux (rires).
Quels seront les objectifs des Espoirs dans cette compétition?
On est déjà qualifiés. Cela veut dire que nous avons une bonne équipe. L’objectif est d’aller le plus loin possible.On va essayer de faire de notre mieux. Et pourquoi pas en finale?
Vous avez récemment été appelé en A. Y-a-t-il une grande différence de niveau avec les U23?
Avec Schurmann ou Gourcuff, les stages sont presque les mêmes. Avec les U23, j’ai davantage mes repères car je connais tout le monde. Avec les A, je suis le petit nouveau. Je suis un peu timide.
Comment se sont passés vos premiers échanges avec lui avec Christian Gourcuff?
Très bien. Il est venu me parler. Il m’a dit que j’étais un bon joueur. Qu’ en raison de ma jeunesse, j’étais l’avenir de la sélection. Qu’il fallait que je continue à travailler et progresser en club.
Il a récemment démissionné de son poste de sélectionneur. Quelle a été votre réaction?
J’ai été surpris mais moins que les autres. Je ne le connaissais pas aussi bien que certains joueurs. C’est son choix. On doit faire avec.
Pour justifier son départ, le Breton a expliqué que la violence, l’absence de travail sur la formation, la pression médiatique avaient eu raison de sa motivation. Ce n’est pas une très bonne image donnée par le football algérien.
C’est son point de vue. Il est vrai que dans nos stades, il y a de la violence et des insultes. En Algérie, quand tu gagnes tout le monde est avec toi. Mais quand tu perds, c’est l’inverse.
Au moment où vous avez intégré les A en novembre, avez vous senti que le coach était lassé, usé moralement?
Il me paraissait tout à fait normal. Il faut dire que c’était la première fois que je faisais partie du groupe. Je ne savais donc pas comment il était avant ma venue, et ce qu’il est devenu par la suite.
Est-ce que cela a été dur pour les joueurs d’ accepter cette démission?
Oui. C’est normal. On s’entendait bien avec lui. On ne voulait pas qu’il s’en aille.
Vous regrettez ce choix?
Oui, quand même.
Entre joueurs, quel a été le discours en interne quand vous avez su qu’il partirait?
On a respecté son choix car on ne pouvait rien faire à notre niveau.
Avez vous essayé de le faire revenir sur sa décision?
On n’a pas eu de discussion entre nous pour cela. Peut-être que certains cadres lui ont parlé.
Avez vous eu l’occasion d’échanger avec le Président de la fédération depuis?
Personnellement, je n’ai été convoqué que deux fois. Donc, il n’est pas venu me parler. Il se peut qu’il en ait parlé avec certains joueurs de l’équipe nationale.
Il y avait une bonne dynamique avec ce sélectionneur. Ne craignez vous pas qu’elle soit cassée?
Je ne l’espère pas.
En un peu moins de deux ans, quelle trace laissera t-il dans le football algérien?
Il a apporté sa touche technique. On voit maintenant une équipe qui joue collectivement. On fait les efforts les uns pour les autres.
L’Algérie va devoir se choisir un nouveau sélectionneur. Sur quel type de profil devra-t-elle miser?
Ce serait bien que ce soit un entraineur qui ait déjà entrainé en Afrique. Quelqu’un de compétent et de sérieux. Et qui parle pourquoi pas le français mais s’il parle l’arabe, c’est beaucoup plus simple pour moi (rires).
Courbis pourrait-il être cette option?
C’est un très bon entraineur. Il est très bien à Rennes. J’espère qu’il prendra l’équipe nationale.
Nasser Mabrouk à Montpellier