Arrivé en juillet 2014 au Mouloudia d’Alger en provenance du Mangasport Libreville, le milieu offensif Samson Mbingui n’a pas eu le temps de faire ses preuves chez les Chnaouas. C’est avec le MC El Eulma, à partir de janvier 2015, qu’il laisse deviner l’étendue de son talent. Il y a passé quelques mois intenses faits de joie et de peine. La joie, avec notamment une qualification méritée pour la phase de groupes de la Champions League. la peine, avec une relégation “incompréhensible et injuste” en Ligue 2. Depuis cet été, le natif de Moanda a rejoint le Nasr de Hussein Dey. Un club algérois historiquement formateur qui a lancé la carrière de joueurs à la renommée internationale, à l’image de l’attaquant Rabah Madjer et du défenseur Chaâbane Merzekane. Et qui ne manque pas d’ambition au présent, comme nous l’explique dans l’entretien qui suit le chaleureux Samson.
2022Mmag.comComment en êtes vous venu à opter pour la Ligue 1 algérienne ?
Samson Mbingui: Pour être honnête, au départ je devais rejoindre un club du CFA français.l’affaire ne s’est pas faite pour des raisons longues à expliquer. Dans la foulée, j’ai été supervisé à Libreville avec mon club le Mangas Sport par le MC Alger. Je ne pouvais rate rune telle opportunité sachant que c’est l’un des plus grand clubs algériens avec une réputation internationale. J’avais compris que cela pouvait être l’occasion de renforcer mon expérience professionnelle tout en étant un super tremplin.
Qu’est ce qui vous plaît dans la Ligue 1 algérienne ?
C’est un bon championnat. Les clubs ont les moyens et on travaille sérieusement. Le niveau n’est pas si mal que ça. La compétition y est très disputée. La preuve ? La saison dernière la lutte pour le titre, le podium et le maintien a concerné pratiquement tous les clubs. Jusqu’à la dernière journée.
Et qu’est ce qui vous déplait ou vous dérange ?
( il hésite un peu). La passion démesurée des supporters. Quand vous gagnez, leur soutien est incroyable. Puissant, il vous pousse vers l’excellence. Mais quand ça va moins bien, ils ne vous font pas de cadeau. Ils ne font pas la part de choses. Le dévouement à leurs couleurs peut parfois ressembler à du chauvinisme ( il rit ). C’est ainsi. C’est une passion exclusive. Il faut dire qu’il y a un vrai engouement pour le football dans ce pays. Le public est présent partout et tout le temps. Parfois même nos séances d’entraînement sont suivies autant qu’un match de compétition.
C’est tout ?
(Petit silence) Ah, si, les pelouses synthétiques. A mon avis, ce n’est pas top pour la préparation et la pratique du bon football.Je ne suis pas fan.
Puisqu’on parle de passion, la mort brutale du de l’attaquant camerounais de la JS Kabylie, Albert Ebossé, vous a-t-elle fait hésiter ?
J’étais au Mouloudia d’Alger quand c’est arrivé. Sur le moment, on pensait que c’était un accident cardiaque. Comme il peut en arriver de temps en temps sur les stades. Mais lorqu’on a commencé à dire que son décès était dû à une agression, cela m’a paru inconcevable. Comment peut on mourir pour un match de football ? Jusqu’à maintenant, je n’arrive toujours pas à croire qu’il a été victime de ses propres supporters. Je sais que ces derniers l’adoraient. Il était leur idole. Quoi qu’il en soit, je suis resté calme. J’étais bien entouré par mes coéquipiers, mes dirigeants et par les supporters. Dans le groupe mouloudéen nous étions une famille. Comme des frères. Je me souviens avoir reçu beaucoup de témoignage de sympathie et d’encouragement.
Pour un jeune international du Gabon, les championnats du Maghreb sont-ils une porte entrouverte vers l’Europe voir vers les pays du Golfe?
Bien sûr. Ce sont des compétitions parmi les plus médiatisées en Afrique auxquelles s’intéressent les différents acteurs du football européen. En ce qui me concerne, je suis ouvert aux propositions. Mes représentants s’en occupent. Les pays du Golfe ? Je suis trop jeune pour négliger l’aspect sportif. Bien sûr, comme tout joueur professionnel, je cherche à bien gagner ma vie pour assurer mon avenir et celui des miens, mais une belle carrière sportive est aussi importante à mes yeux.
A un moment, la presse gabonaise affirmait que vous étiez suivi par Metz et par Pescara, vous confirmez ?
Oui. L’affaire n’a pas pu se faire pour des bisbilles entre managers. J’avais changé entre temps de représentant. Et puis, c’était juste avant la CAN 2015. Il fallait que je reste concentré sur un événement important pour mon pays.
Pour un milieu offensif doué comme vous, le football algérien très technique doit vous convenir et même vous plaire ?
Pour un bon technicien, la Ligue 1 est une belle opportunité. Elle me convient. Je suis à l’aise. Pour passer, éliminer un adversaire. Les fans adorent le geste technique sophistiqué et le font savoir bruyamment . Moi, je suis pour le dribble et le beau geste à condition de ne pas négliger l’efficacité. Tout ce qu’on fait sur un terrain doit tendre à faire avancer l’ équipe.
Votre compatriote Malick Evouna est dans cette démarche : après le WA Casablanca il est passé à une marche plus haute en rejoignant Al Ahly cet été. Vous en avez parlé avec lui ?
(Enthousiaste )Malick, c’est mon frère. On se connait depuis si longtemps. En choisissant Al-Ahly après le WA Casablanca, il a franchi une étape supplémentaire. J’espère suivre ses traces. Quand, je suis arrivé au MC Alger, je savais que je mettais les pieds dans un grand club. En rejoignant le MC El Eulma la saison dernière, j’ai pu participer à la Champions League. Ce n’était pas mal comme expérience et comme progression.
Justement, comment jugez-vous le bilan de la saison passée avec le MC El Eulma. Disputer la Ligue des Champions puis être relégué, c’est déstabilisant, non ?
La saison nous a laissé sur notre faim. Nous avions vécu une super expérience sportive et humaine en nous qualifiant pour la phase de groupes de la Champions League. Mais il y a eu aussi ce triste dénouement en Ligue 1. La relégation du MCEE est incompréhensible vu de l’intérieur. Ce n’était pas merité. Rendez-vous compte: nous avions la meilleure attaque, le meilleur buteur (ndlr Walid Derardja avec 16 buts) et surtout l’équipe pratiquait un jeu chatoyant reconnu par tous… Ce sont les bizarreries et les injustices du football.
C’est ce qui vous poussé à rejoindre le Nasr Hussein Dey ?
Avec la relégation du MCEE, cela devenait compliqué. Mais j’étais libre de mes mouvements. La proposition du Nasr de Hussein Dey convenait à mon projet et à mon ambition. Ce ne fut pas facile, car j’ai pris le train en marche. L’équipe était déjà en stage quand je suis arrivé. Mais tout le monde s’est mis en quatre pour contribuer à mon intégration. J’ai eu l’impression. Après quelques semaines, d’avoir toujours fait partie du club.
Mais le Nasr de Hussein Dey, ce n’est pas le Mouloudia d’Alger,question visibilité?
Peut-être. Mais avec le NAHD je vais avoir l’occasion de disputer de nombreux matches intenses à Alger où les derbies foisonnent. Et puis, il ne faut pas se tromper: les dirigeants sont ambitieux. Certes, le groupe est jeune, mais nous avons comme mission de décrocher une place qualificative à une épreuve africaine en fin saison. Comme le championnat est trés serré, cela n’est pas impossible.
Dans un an, le Gabon organisera la Coupe d’Afrique des nations : en quoi votre présence en Algérie peut vous aider à consolider votre place chez les Panthères ?
En ayant du temps de jeu dans une compétition qui n’est pas si mal que ça comme je viens de vous le dire. Je pense aussi faire partie d’un noyau en sélection depuis quelque temps. Cela m’a donné une certaine crédibilité. Apparemment, le coach ( ) fait le choix de la stabilité pour un groupe jeune qu’il compte emmener assez loin.
Que vous inspire la décision des Algériens de fermer (provisoirement ?) leurs frontières aux footballeurs étrangers ?
( Il prend son temps pour répondre ). C’est un sujet compliqué. Si j’ai compris, ils veulent éviter que les clubs ne fassent appel à des joueurs dont le niveau serait inférieur à celui des joueurs locaux. Et cela est légitime. Mais cela ne devrait pas aboutir à un championnat fermé. Le football algérien ne peut pas se permettre de vivre en vase clos à l’heure où l’ouverture a gagné le monde entier. Le football algérien a besoin de se confronter à tous les footballs. Mais, je dois reconnaitre que je ne maîtrise pas toutes les données du problème. D’autant que les médias locaux n’ont pas vraiment débattu autour de ce sujet.
Quelle est la durée de votre contrat au NAHD ?
J’ai un contrat de deux ans.
Il ne sera pas renouvelé si la régle ne change pas ?
En principe. Mais vous savez, en deux ans il peut se passer bien des choses. Dans ma propre carrière et dans la vie du football algérien.
Si vous deviez comparer les championnats gabonais et algérien….
Avantage à l’Algérie évidemment. C’est sans appel. Les clubs sont mieux outillés, les infrastructures plus nombreuses et de meilleure qualité et le niveau de jeu plus intéressant.
Globalement, et sans langue de bois, comment sont accueillis les footballeurs d’Afrique subsaharienne en Algérie…
C’est une très bonne ambiance. Que ce soit au MC Alger, à El Eulma et aujourd’hui au Nasr de Hussein Dey, je me suis partout senti chez moi. Entre joueurs on forme une famille. On est comme des frères. Rien à dire. Sans langue de bois.
Propos recueillis par Fayçal CHEHAT