Installé à Dubaï depuis un an, le jeune entrepreneur Slimane Bensala préside depuis la saison dernière un nouveau venu sur la scène émiratie : Elite Falcons FC. Propriété du groupe international Rainbow, le club qui a démarré tout en bas de l’échelle professionnelle compte rapidement se hisser le plus haut possible dans l’élite du pays.
« Slimane Bensala, bonjour. Quelle est l’histoire de la création d’Elite Falcons FC ? Racontez-nous la genèse du projet…
J’ai rencontré, via Patrick Mboma, un Monsieur qui s’appelle Kingsley Pungong, CEO et fondateur du groupe Rainbow. Cela fait vingt ans qu’il évolue dans le milieu du football, et il est propriétaire de plusieurs clubs en Afrique (Rainbow FC au Kenya, Rainbow FC Bamenda au Cameroun) et en Europe (MFK Vyškov en République Tchèque) ainsi que le Cancun FC au Mexique. Tout récemment, une entité partenaire du groupe Rainbow a racheté un grand club en Espagne.
Qu’est-ce qui a tout fait basculer ?
Lorsqu’on s’est rencontrés, nos caractères ont vite matché. J’apporte mon côté entrepreneur, la connaissance du foot et de l’étranger puisque j’ai visité 55 pays. L’objectif de Rainbow, son activité dans le foot, c’est d’identifier les meilleurs talents du football africain. Il possède des recruteurs (scouts) sur le continent et il place ensuite les joueurs dans ses clubs pour leur donner une chance de devenir professionnels. J’ai compris tout de suite ce que le président voulait. On ne veut pas passer à côté d’un Eto’o ou d’un Drogba.
Qu’est-ce qui a motivé la création de ce club ?
On a réfléchi ensemble à des destinations où il serait facile de faire venir des joueurs dans un pays qui accepte facilement les visas. Dubaï, où je suis installé, a cette spécificité : en 48 heures tu peux obtenir un visa pour venir y vivre. M. Pungong est venu ici en compagnie de Patrick, on a visité les installations ensemble. Je lui ai dit : je peux t’aider à obtenir une licence club. J’ai donc activé mon réseau.
A-t-elle été facile, cette création et l’inscription en Third League, qui était sur le point d’être lancée ?
On était 360 potentiels clubs pour huit licences disponibles ! Et on a été retenus parmi les huit chanceux. Dès qu’on l’a obtenue, on a ouvert une société et on a commencé à développer le club. Ce projet est né il y a deux ans. Et en juillet 2021, on a soumis le dossier à la fédération émiratie. On a eu la réponse à la mi-septembre. Le dossier était béton parce que Rainbow est extrêmement bien organisé et dispose d’équipes pour le marketing, pour la communication. Il a agi très vite. Imaginez, ce dossier de cinquante pages a été monté en l’espace de trois jours.
Qu’est-ce qui a fait la différence, selon vous ?
La fédération a été impressionnée par le sérieux et le background du groupe, habitué à créer et à gérer des clubs pros à partir de rien. Le groupe Rainbow, qui est basé aux Etats-Unis, a une force de frappe impressionnante, avec des bureaux en Espagne, en Afrique et maintenant à Dubaï. Et surtout il va très vite. C’est la raison pour laquelle on est en phase avec le patron: on pense et on agit vite.
Quelle fonction occupez-vous ?
Je préside le club Elite Falcons FC. Je gère toutes les opérations au quotidien : trouver les terrains, héberger des joueurs, recruter le staff et les joueurs, le transport, l’alimentation, je gère aussi les sponsors, je développe la relation avec la fédé et avec les clubs, je m’occupe de la partie média. Et surtout, je suis en contact direct avec le directeur du football du groupe, Alexandre Morfaw, qui nous envoie les joueurs. Il y a tout un processus mis en place pour le joueur depuis son visa jusqu’à son arrivée, son lieu de vie, la présentation au groupe et aux médias, etc.
Comment s’est déroulée la saison passée ? Depuis le recrutement des joueurs, du staff, en passant par les résultats et l’apprentissage de la compétition…
Pour cette première saison, on ne voulait pas dépenser trop dans le recrutement. On rejoignait une compétition nouvellement créée et le championnat n’a duré que quatre mois. On a disputé dix matchs. On a décidé de prendre des joueurs résidant à Dubaï, des Egyptiens, Jordaniens, Emiratis et quelques joueurs africains. On voulait d’abord comprendre comment la Ligue fonctionne. On a joué dans une division plutôt forte qui ressemble à la CFA (niveau 4) en France. Et il y a eu un très fort engouement. On pensait que cela n’attirerait pas beaucoup de monde mais on a eu 300 à 400 spectateurs. On a terminé en milieu de tableau avec cinq victoires et cinq défaites. On a monté cette équipe en trois semaines avec ensuite une présaison de six semaines. Mais ce n’étais pas simple de se lancer avec des joueurs qui d’une certaine façon, ne sont pas les nôtres, et ne répondaient pas totalement à nos critères.
Qui les a dirigés ?
On a recruté deux entraîneurs expérimentés (Mohamed M’ribet et Kareem Hatem), un Anglais et un Egyptien, qui ont déjà dirigé des clubs aux Emirats. Quand on leur a présenté le projet, ils ont quitté leur job pour nous rejoindre. L’un d’entre eux était d’ailleurs dans un club de l’élite.
Quelle était l’ambition en débutant au niveau 4 (Third League) ?
Comme je le disais, on a fait la saison sans « nos » joueurs. On a toujours un discours d’excellence. On a cherché à susciter une marge de progression chez nos joueurs, à leur transmettre les valeurs du club. Quel que soit le niveau du joueur. On est assidus sur le sommeil, la récupération, l’heure d’entraînement et de repas, etc. Et on a pu voir le travail des coaches avec une vraie progression chez certains.
Quelle est le projet et l’ambition à moyen et long terme ? Vous êtes-vous fixé un calendrier pour y parvenir ?
Le programme est très clair : on joue la montée pour la 2e division. La majorité de nos joueurs vient d’Afrique : Cameroun, Ghana, Nigeria, Togo, Egypte, Côte d’Ivoire. Ils ont été achetés et ont tous signé un contrat pro. L’objectif sous deux ans, je le répète, c’est de monter à chaque fois.
Quels sont les moyens financiers et humains pour y parvenir ?
Le groupe investit de façon conséquente. Mais on fait attention à tout. On ne descend pas en dessous d’un certain niveau. L’hébergement des joueurs est exceptionnel. Ils sont deux par chambre, ont une piscine et une salle de muscu, il y a un chef, il y a aussi un bus avec un chauffeur pour aller en ville. On a homme de ménage, on a un « player liaison », qui fait le lien entre les joueurs et la direction. On s’entraîne sur les installations d’un club de l’élite, le Shabab Al-Ahly. On joue aussi dans leur stade. On possède des bureaux en ville pour l’administration et la comptabilité. Là où ils vivent, on a un petit immeuble avec salles de réunion, une salle de cinéma. C’est aussi un lieu de travail.
Quel rôle ou fonction occupe Patrick Mboma, dont le nom a été immédiatement associé à Elite Falcons la saison dernière ?
Il occupe au sein du groupe un rôle de conseil. Il parle aussi beaucoup aux joueurs et partage son expérience. En Afrique, il ouvre des portes auprès de certaines fédérations, certains sponsors. Il a un vrai métier d’image. Il conseille une fois par semaine et discute avec le staff, sur la vie d’un groupe pro, sur les séances spécifiques attaquants par exemple.
Allez-vous mettre en place des passerelles avec les autres clubs du groupe ?
C’est déjà le cas, certains joueurs issus des autres clubs peuvent nous rejoindre.
De quel groupe disposez-vous ?
On a 25 joueurs. On n’a pas d’autre équipe. Pour cette saison, on ne se concentre que sur le groupe pro, qui a débuté lundi sa présaison. Le règlement permet l’enregistrement de dix joueurs étrangers et de quinze résidents. Un joueur peut jouer même avec un visa touriste. Le 1er match de championnat aura lieu la première semaine d’octobre. Ce sera un championnat un peu plus long que le précédent avec 16 équipes, qui se terminera fin mai. On sera aussi inscrits en Coupe des Emirats.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ou rencontrez-vous encore ? Quelles sont vos principales satisfactions ?
Parmi nos satisfactions, il y a le fait d’avoir monté une équipe en très de peu de temps (moins de deux mois) en partant de zéro. Il a fallu tout faire : aller chercher des joueurs, trouver et floquer les maillots, établir les contrats et assurances, etc. Dans les moins, on s’attendait à un peu plus de communication de la part de la fédé. Aussi, le ramadan, en plein milieu de la saison, a été difficile à gérer. On jouait à 22h, et du coup on mangeait à 19h dans le vestiaire, c’était délicat. En début de saison et fin de saison, il faut dealer avec la chaleur, faire attention à l’hydratation, aux heures d’entraînement. On s’entraine à 7h, parce qu’il fait 45°C dans la journée.
Utilisez-vous les réseaux sociaux pour vous faire connaître comme sur Instagram ?
On recrute le mois prochain un social media manager pour développer tous nos médias.
Où en êtes-vous au moment où la présaison débute ?
On attend encore quelques joueurs, il y a des contrats
en train d’être signés. Les joueurs sont soit déjà là, soit en route. On est dans la phase où les joueurs font connaissance, on fait du team building afin de créer une cohésion. On fait des sorties en ville entre nous. Autre clé du projet, l’éducation. Tous ont un programme d’apprentissage des langues, français, espagnols et anglais. Sans oublier du media training afin d’apprendre à répondre aux journalistes.
Y a-t-il des joueurs de la saison dernière qui ont été approchés ? Combien ont été gardés d’une saison à l’autre ?
On a conservé trois joueurs de la saison dernière. L’un d’entre eux potentiellement pouvait aller sur Cancun (MEX) mais on l’a gardé ici. Un autre a été demandé par un club rival mais on pense qu’il a le potentiel pour progresser. Donc on l’a aussi conservé ».
Propos recueillis par @Frank Simon