Actuellement confiné en région parisienne, Tarek Jani l’actuel entraîneur du FC San Pedro (C1 CIV) est l’un des jeunes techniciens qui montent dans le football arabe. Vainqueur de la Coupe en 2019 et meilleur coach l’an passé, il poursuit son apprentissage dans un club sous tutelle tunisienne. Rencontre.
« Tarek bonjour, comment se fait-il que vous confiniez en région parisienne ? Depuis quand ? La crise vous a trouvé là ou bien vous êtes rentré à temps ?
Bonjour ! En effet, je suis en région parisienne depuis le 17 avril à la suite de l’arrêt du championnat en Côte d’Ivoire. J’étais dans l’obligation de rejoindre ma famille à Paris.
Comment occupez-vous votre temps ? Les terrains ne vous manquent pas trop ?
N’oublions pas que le mois dernier était le mois de Ramadan. Ca m’a beaucoup aidé puisque habituellement je profite de cette période pour effectuer une retraite spirituelle. J’occupe mon temps en lisant le Coran. Je médite et puis j’ai aussi profité de ma fille Nour. Sur le plan professionnel, j’ai aussi effectué des recherches liées aux méthodes d’entraînement moderne. J’ai participé à des formations via Zoom avec d’autres collègues tunisiens et du monde arabe. Concernant le terrain, cela nous manque énormément ! Qu’il s’agisse de l’odeur de l’herbe, le bruit du ballon. Et puis la montée d’adrénaline dans un stade plein.
Quelles sont les nouvelles du côté du FCSP ?
On attend comme dans beaucoup de pays la décision de l’Etat pour la reprise du championnat. Je suis en contact permanent avec le staff et mes joueurs. Sur le plan administratif, je sais qu’un grand travail est en train de se réaliser, lié notamment au paiement des salaires et des primes, mais aussi la classification des contrats. On est aussi en train de préparer la nouvelle saison sur le plan du recrutement, de la reprise et de la planification qui y est liée.
Dans quelles circonstances avez-vous rejoint le club alors que vous étiez en Tunisie ?
J’étais entraineur et formateur dans le plus grand centre de formation privé en Tunisie (Ooredoo) après mon obtention des diplômes. J’ai travaillé dans cette académie pendant trois ans jusqu’à ce que mon ami, l’homme d’affaires tunisien Mohamed Ali Hachicha, me propose en novembre 2013 de rejoindre la Côte d’Ivoire dans l’optique de la création d’un centre de formation à Abidjan.
Et vous avez accepté !
Oui, j’ai accepté avec entrain sa proposition parce que je connais la vision stratégique de ce monsieur qui sait où il va. Il sait comment motiver ses troupes et mettre tous ses efforts en oeuvre pour atteindre les buts fixés. Aujourd’hui par la grâce de Dieu, les objectifs commencent à se réaliser. Ils sont le fait d’efforts énormes de tout un staff homogène qui travaille pour faire du FC San Pedro une référence sur le continent africain.
Pouvez-vous vous présenter brièvement sur le plan de la carrière, coach et joueur. D’où êtes-vous originaire au pays ?
J’ai commencé à pratiquer à l’âge de 10 ans au Club Sportif des Cheminots. A 18 ans, j’ai rejoint les seniors du club. J’ai aussi été en équipe nationale minimes et cadets. Après deux saisons avec mon club formateur, j’ai signé à l’Olympique de Médenine ou j’ai évolué deux saisons en D1. En 2002, je suis parti aux Emirats Unis à Bani Yas puis à Al Sib FC, au sultanat d’Oman. J’ai également fait un passage en Libye à Al-Mehalla Tripoli ainsi qu’à Al-Nejma de Benghazi. Ma carrière s’est arrêtée à la suite d’une blessure au genou. Mais j’ai décidé de rester dans le milieu et j’ai débuté ma formation d’entraineur. J’ai passé la licence CAF C puis la licence CAF B en Tunisie. En 2015, j’ai complété la licence CAF A en Côte d’Ivoire.
Vous travaillez avec Mr Laabidi Khemaies, un clubiste, et Haithem Abid, un espérantiste. Quelles sont vos « sensibilités » club en Tunisie ?
Haithem Abid est effectivement espérantiste et sauf erreur de ma part, Mr Laabidi Khemaies supporte la JS Kairouanaise ! Me concernant, je suis espérantiste !
Avez-vous envie de travailler en Europe ou ailleurs en Afrique, en Tunisie peut-être, à l’avenir ?
Le continent africain m’a beaucoup apporté déjà, et je suis à l’aise en Afrique. Le FC San Pedro m’a offert une visibilité à l’international. Alors, pour le moment je suis heureux de travailler avec le FCSP. Depuis cinq ans, on avance dans sur un projet de club à savoir former des joueurs dans notre propre académie et les exporter en Europe. On possède notre propre centre de formation qui est parmi les plus grands centres d’Afrique : 20 hectares, un hôtel, une piscine, cinq terrains d’entraînement et une salle de musculation. Mais je ne vous cache pas que comme tous les entraineurs, j’ai des ambitions et des rêves.
Quels sont-ils ?
Entrainer en Europe ou en Tunisie, mon pays natal. Mais pour le moment, je n’en suis juste qu’au début de ma carrière. Je me forme, j’apprends, je prends de l’expérience en espérant Inchallah atteindre mes rêves.
Quels sont vos références, vos modèles sur le plan du coaching ?
Je suis fanatique de la méthode de l’entraineur italien Arrigo Sacchi, l’ennemi du catenaccio. Il a provoqué une révolution dans le football italien par sa défense de zone au lieu de l’individuelle avec un bloc haut et compact. Et puis un plan parfaitement huilé basé sur le collectif et tourné vers l’attaque. J’aime aussi la méthode de Jean-Claude Suaudeau, du FC Nantes, qui a permis à son équipe d’avoir une identité de jeu ancrée dans l’histoire de football français. C’est un jeu basé sur le mouvement et surtout sur la disponibilité des joueurs les uns par rapport aux autres.
Quelle est votre philosophie de jeu ?
Mon projet de jeu tourne autour de la récupération : la récupération immédiate en bloc haut pour jouer en attaque rapide et la récupération différée dans les zones presse pour créer les décalages. C’est basé aussi sur un jeu avec priorité à la transition surtout le passage rapide d’un statut offensif a un statut défensif et vice versa afin de garder toujours un temps d’avance sur l’adversaire.
Ces derniers mois, la relation avec le FCSP a été quelque peu agitée. Vous avez quitté votre poste, avant d’être rappelé. Que s’est-il passé ? On aimerait comprendre !
Comme dans toute relation – amicale, sentimentale ou professionnelle – on rencontre des hauts et des bas. Alors oui, comme vous l’avez souligné, ma relation était agitée à un moment. L’essentiel, c’est que le club et moi ayons dépassé tout ça. Maintenant, c’est du passé et nous sommes unis et soudés autour des mêmes objectifs et ambitions. Pour porter le club au plus haut.
Comment expliquez-vous que le coach tunisien, qui est pourtant bien formé, s’exporte si peu en dehors du pays ? Y a-t-il une peur d’aller travailler ailleurs ?
Bien au contraire ! Les coachs tunisiens s’exportent bien en dehors du pays. On les retrouve en Algérie, au Maroc, en Mauritanie, au Soudan, en Afrique subsaharienne et au Moyen Orient ! Tiens, je vous donne un exemple concret : en Arabie saoudite, entre la D1, la D2 et la D3, on comptabilise environ 25 entraineurs tunisiens. Donc, nous sommes très présents en dehors de la Tunisie, sans compter les préparateurs physiques, entraineurs de gardiens et analystes.
Quels sont les objectifs, les ambitions pour les prochaines années ? Gagner des titres, entraîner une sélection, un club ailleurs ? »
Mon principal objectif est d’accompagner le FC San Pedro le plus haut possible à l’échelle africaine. Je vous rappelle que nous sommes 58èmes au dernier classement de la CAF. C’est un rang très honorable, alors pourquoi ne pas atteindre le top 20 un jour ! Quand j’aurais atteint mes objectifs, je pourrais chercher à entrainer un club ailleurs qu’en Côte d’Ivoire ou en Tunisie. »
Propos recueillis par @Samir Farasha