Jasmine Cherchali, 42 ans, est une conseillère sportive auprès de joueurs de football avec de mutliples talents et casquettes. Elle est aussi agent d’artistes, organisatrice d’événements, formatrice en développement personnel et pédopsychologique, déléguée auprès de plusieurs organismes de développement et de professionnalisation sur le continent africain.
Cette jeune femme, mère d’un garçon de 21 ans et d’une adolecente de 17 ans, née d’une mère algérienne et d’un père indo-irakien est une communicante aguerrie par trois lustres passés sur le terrain. Elle a grandi au milieu d’une belle fratrie composée de cinq soeurs et d’un frère. D’abord autodictate, elle est depuis diplômée en management-marketing. Son réseau, impressionnant, constitué au fil du temps, elle le met au service de la jeunesse. La période compliquée et douloureuse provoquée par la pandémie du COVID-19 ne l’a pas empêché de rester à l’écoute des jeunes sportifs et d’agir dans la mesure de ses moyens. Dans l’entretien qui suit, la Grondine de naissance, établit un premier constat alors que la sortie de la cise sanitaire n’est pas encore complètement actée.
2022mag.: Quel impact a eu le covid sur les jeunes sportifs ? Jasmine Cherchali : Durant cette période de pandémie, j’ai pu constater qu’il y avait un grand nombre de jeunes livrés à eux-mêmes. En effet, aucuns soutienspsychologiques n’ont été mis en place pour ces gamins. Certe, personne n’était préparé à cette terrible crise sanitaire, mais je pense que l’on a aussi payé des années d’inaction dans le domaine du développement pédopsychologique et mental. Peu de choses avait été initiées avant la déflagration causée par la pandémie? Voilà pourquoi les carences de cette jeunesse n’ont pu être gérées plus sereinement.
Pouvez-vous être plus précise sur votre action? Dans ma démarche professionnelle et ma manière de travailler avec ces jeunes , je mets systématiquement l’aspect mental en première ligne. J’ai très rapidement constaté qu’il n’y avait peu ou quasi pas d’encadrement à ce niveau là. Et j’ai réellement vu une très nette différence entre les jeunes soutenus mentalement et ceux qui ne l’étaient pas. Notamment dans leur façon d’appréhender les choses, mais aussi l’impact que cela pouvait avoir sur leurs performances sportives. Exemple : ee très bons joueurs de football n’arrivent souvent pas à passer des paliers de performance car leur mental n’est pas préparé à cela. Ils peuvent être excellents sur le terrain, mais s’ils ne sont pas aussi forts mentalement, s’il n’y a pas un cadre favorable tant bien familial que professionnel leur développement de carrière s’avère alors plus difficile.
Comment avez-vous pu agir en période de crise ? En toute modestie, je crois que j’avais un temps d’avance sur ce sujet car je base toujours l’essentiel de mon activité sur les aspects de développement personnel. Mais j’avoue, j’ai du redoubler d’efforts afin que mes jeunes joueurs ne lâchent pas leurs objectifs. L’arrêt total des entraînements et des matches, ont été une grande épreuve pour eux. Et j’ai dû, chaque jour, individuellement, apporter ce soutien mental indispensable.Il a fallu trouver les bons mots, s’adapter à chaque personnalité, transformer cette épreuve en une vraie force. Ce n’était pas simple, car personnane ne connaissait la deadline de la fin de la crise sanitaire. J »espère avoir pu soutenir et aider comme il se doit chacun d’eux.
Après avoit traversé cette expérience malheureuse, comment voyez-vous l’avenir ? À quel niveau faut-il agir pour ne pas revivre le même gachis ? Il y a énormément à faire , car nous partons de pratiquement rien ! Il faut absolument que l’on puisse aujourd’hui mettre en place pour ces jeunes des formations, des cellules de développement personnels, de confiance en soi et d’accompagnement psychologiques. Et pas seulement pour les sportifs. Il faut le faire pour toute cette jeunesse qui à ce jour a payé un lourd tribut. Des méthodologies, il y en a tellement, il faut juste que nous, adultes, responsables de ces jeunes, puissions enfin les mettre en application.Notre devoir est de leur transmettre toutes les clés d’une meilleure gestion de leurs émotions, de leur faiblesses, de leurs peurs… C’est à nous de les guider sur ce chemin, de leur transmettre la confiance et leur garantir réussite et d’épanouissement ! En quelque sorte, les former à devenir des adultes bien dans leur peau et dans leur tête.
Qu’est ce qui ressort de ce travail de fond ? Que du positif ! Quand vous travaillez avec un jeune (sportif ou pas), que vous lui expliquez votre propre parcours, que vous lui donnez confiance en lui, que vous le préparez à faire face aux épreuves du quotidien, les résultats sont indéniables. Et je le répète, ce n’est pas uniquement auprès des joueurs de football, mais auprès de toute la jeunesse qu’il faut mettre en place des intervenants, des encadrants, des stages et formations etc.
Mais la crise sanitaire n’explique pas tout. Il y avait sans doute déjà un terrain propice à la casse morale et sociale ? Absolument! Mais Cette pandémie a aggravé les difficultés et les multiples peurs : la peur d’être contaminé, de mourir et de contaminer les autres. Ces peurs ont été renforcées par la difficulté à se tourner vers des structures. L’isolement social, source d’un sentiment d’abandon, de tensions intra-familiales, de difficultés à travailler, d’une aggravation de l’ennui et la la perte de repères établis en temps normal. Cette pandémie est particulière par son caractère brutal et global. Notre jeunesse souffrait déjà, mais aujourd’hui elle est totalement perdue.
Qu’attendez-vous des pouvoirs publics et des différentes organisations sportives et culturelles ? Une sorte de Grenelle de la jeunesse ? Si vous voulez. Mais peu importe le nom que prendra cette réforme. Je sollicite les écoles, les organismes d’Etat, les structures sportives, petites et grandes afin qu’ensemble nous prenions nos responsabilités et mettions enfin en place des programmes de sensibilisation sur toutes les carences dont je viens de faire le tour dans cet entretien. Que cette jeunesse soit plus forte mentalement, qu’elle sache réagir sans violence face aux agressions prévues ou imprévues de la vie !
Propos recueillis par Fayçal Chehat.