L’attaquant international marocain traverse une période étincelante. Il empile les buts et se montre décisif au profit de Nancy qui vise un retour en Ligue 1 après deux années au purgatoire. Nancy qui l’a vu grandir, l’a vu partir et trois fois revenir. C’est de cette belle histoire et des Lions de l’Atlas, son autre amour, que la natif d’Ifrane a bien voulu parler avec nous. Paroles exclusives d’un joueur talentueux et d’un homme de qualité.
A 35 ans, vous êtes dans une forme exceptionnelle, comment expliquez-vous cette permanence au plus haut niveau ?
Il n’y a aucun secret, croyez-moi. Je suis sérieux au quotidien. Depuis toujours. C’est une hygiène de vie scrupuleuse. Pas de sorties, pas d’excès. Et puis, j’ai la chance de ne pas prendre du poids. C’est aussi simple que ça.
Youssouf et Nancy, c’est une vraie histoire d’amour. Vous êtes parti deux fois et vous êtes revenu deux fois. C’était pour vous faire désirer par les Lorrains ?
(Grand rire). Non, ce n’était pas le but ! j’ai tout connu içi. Du centre de formation à l’équipe professionnelle. C’est mon environnement naturel. Ma famille, quand elle n’est pas au Maroc, est juste à côté. Au sein du club, je connais tout le monde et tout le monde me connaît. Les joueurs, les dirigeants, les entraîneurs des jeunes et les supporters. A Nancy, je sais à qui j’ai affaire. Et c’est agréable. Je baigne dans un climat de confiance réciproque. Je sais ce que je peux donner et ce qu’on peut m’apporter. En tout cas, c’est une vraie histoire de confiance.
Et vous n’avez jamais déçu les Nancéiens…
Apparemment, non. Puisqu’ils m’ont à chaque fois accepté.
Quand vous signez à Bastia puis à Rennes, c’est une parenthèse ?
Non, je ne peux pas dire ça. Quand j’ai choisi Bastia, c’était pour connaître les joies de la Ligue 1. J’ y avais goûté avec Nancy. Mais quelques matches seulement. Parce que je n’étais pas encore un titulaire. C’était avant que le club soit relégué. En Corse, j’ai passé deux saisons magnifiques. A Rennes, j’ai joué la Coupe de l’UEFA ( aujourd’hui l’Europa League). Dans ces deux clubs, j’ai grandi.
Par contre votre passage successivement à Al Arabi, Qatar, et a Elazigspor, Turquie, n’ont pas dû vous laisser de grands et bons souvenirs ?
Avec Al-Arabi, un concours de circonstances à chamboulé mes plans. Dont un changement d’entraîneur. Je me suis retrouvé dans un club-traquenard. L’expérience professionnelle a tourné court. Mais attentions, si j’ai connu une galère professionnelle, j’ai aimé vivre au Qatar. En Turquie, j’ai adoré l’ambiance qui entoure la compétition. La passion du foot dans ce pays est y tout simplement incroyable. Quelques pépins physiques, entre autres, ont compliqué mon séjour …
Puis retour à « la maison”. Cette fois, vous semblez bien parti pour finir votre carrière en Lorraine?
(Rires). Je suis revenu pour m’éclater. Tout s’est fait naturellement. Alors que j’étais libre de tout contrat, le club et le coach Pablo Correa avaient accepté de me laisser m’entraîner avec le groupe professionnel. Cela a duré quatre mois. Au vu de mes performances, de mon état physique, Nancy et moi avions eu la même idée. J’avais envie de jouer et Nancy avait besoin d’un élément d’expérience qui n’aurait pas de mal à s’adapter. Alors, j’a signé pour une saison et une autre en option. Encore une histoire de confiance.
Samedi dernier, à la suite de votre doublé contre Troyes, Pablo Correa a déclaré que lui, il prolongerait volontiers votre bail. C’est votre souhait également ?
Bien sûr que cela me tenterait. Ce n’est un secret pour personne. Attendons la fin du championnat. Pour le moment, je me bats avec mes coéquipiers pour atteindre la Ligue 1. C’est cela le plus important.
Le public aussi est aux anges. Contre Troyes, vous avez quitté la pelouse sous une ovation…
Cela fait chaud au coeur. Le public nancéien me connaît depuis l’âge de 18 ans. Il a des attentes. Et quand je réponds bien, il réagit positivement. C’est l’une des plus belles récompenses que peut espérer un joueur. Nous faisons un beau metier. La chose la plus normale, c’est d’accepter l’ovation comme les sifflets quand tout va de travers.
Vous semblez aimer les matches contre les gros adversaires. En témoignent vos doublés face à Brest et Troyes…
C’est vrai, j’aime la pression des matches à enjeu contre des adversaires compliqués. Et comme je fais partie des cadres, dans une équipe assez jeune, j’ai le devoir d’être à la hauteur. De montrer l’exemple sur le plan physique, mental et technique.
Dans cette logique, un retour en Ligue 1 serait un cadeau formidable. Affronter Paris, Monaco, Lyon Marseille ou Saint-Etienne au stade Marcel Picot…
(Sa voix s’éclaircit). Ah, oui! Ce serait exceptionnel. Nancy a les atouts d’un club de Ligue 1 : l’infrastructure, le public, l’organisation et même l’Histoire…
Vous êtes optimiste ?
Je le suis. Je l’aurais été encore plus si nous n’avions pas laisser filer tant de points au coeur de l’hiver.Malgré cela, nous somme toujours en course pour une place sur le podium.
En scrutant vos performances, on se pose une question. Etes-vous un joueur de couloir, un neuf et demi, un milieu offensif ?
J’ai eu la chance d’avoir occupé tous les postes de l’attaque. Je me suis toujours plié aux demandes des coaches et du collectif. Cela dit, c’est en pointe que je me sens le mieux. J’aime l’idée et le fait d’être décisif. Efficace. C’est très important.
Ou en est Youssouf avec les Lions de l’Atlas ? Peut-on imaginer un retour, même à 35 ans?
Sincèrement, je ne suis pas dans cette optique. Le Maroc possède tant de jeunes joueurs talentueux. Il faut laisser la place. A l’heure où je vous parle, ma préoccupation reste Nancy.
Vous êtes dans une forme resplendissante. Certes, vous n’êtes pas l’avenir de la sélection, mais vous pouvez être un fédérateur pour les jeunes internationaux…
(Il élude). Ce n’est vraiment pas le sujet.
En janvier dernier, l’adjoint du sélectionneur, Mustapha Hadji – votre frère – a déclaré à un magazine que le Maroc avait perdu beaucoup de temps. Après la finale de la CAN en 2004, une génération de joueurs ( il vous cite ainsi que Ouaddou, Chamakh…) a été sacrifiée. Vous pensez la même chose ?
Je suis d’accord avc Mustapha. Des erreurs ont été commises après la formidable aventure de 2004 en Tunisie. On disposait d’un potentiel conséquent. Il y a eu un gâchis. Mais il ne sert à rien de resasser. L’essntiel est de repartir sur de bonnes bases.
Comment avez-vous vécu, en tant que Marocain, l’affaire de l’organisation de la CAN 2015 retirée par la CAF et les sanctions qui l’on accompagnée ?
(Ferme) J’ai vraiment eu peur pour le football de mon pays. Écarter notre football de la principale compétition continentale, c’était le tuer. C’était priver le peuple marocain de sa passion. El Hamdoulillah, tout est rentré daans l’ordre.
Pour vous, quel est le meilleur joueur marocain en activité en 2015 ?
(Sans hésiter). Mehdi Benatia. Il est régulier au plus haut niveau depuis quelques années. Que ce soit avec l’Udinese, la Roma ou le Bayern Munich. Il a l’étoffe d’un capitaine, d’un meneur d’homme, même s’il est encore jeune.
Vous êtes un sportif et un homme engagé. Capable de prendre position sur des sujets délicats. Comme après l’attentat contre Charlie Hebdo ou le différend qui vous a opposé à Al-Arabi… Ce n’est pas courant chez les footballeurs…
Je n’aime pas l’injustice. C’est aussi simple que cela. La tuerie était une injustice qui n’avait absolument rien à voir avec l’Islam. Par ailleurs, en tant que musulman, je ne veux pas de l’amalgame. Que l’on montre du doigt toute une communauté. J’ai pris position, parce que je suis bien placé pour savoir ce que ma religion m’a apporté. Elle a fait de moi, je crois, une bonne personne. Honnête et avec des valeurs.
Votre carrière de joueur touche a sa fin, avez vous des projets de reconversion? Dans le football, comme votre frère?
Je pense rester dans le football. Je ne sais pas encore sous quelle forme: manager, entraîneur, directeur sportif… Je suis en train de passer mes diplômes d’entraîneur. Je ne sais pas ce que le Mektoub me réserve.
Profil
35 ans, né à Ifrane, Maroc
Son parcours: AS Nancy-Lorraine, Bastia, Rennes, AS Nancy Lorraine, Rennes, Al Arabi SC (Qatar), Elazigspor (Turquie), AS Nancy-Lorraine.
International marocain: 64 sélections, 21 buts
Palmarès: finaliste de la CAN 2004 en Tunisie.
Entretien réalisé par Fayçal CHEHAT